Agriculture, alimentation, environnement et santé humaine constituent des sujets pleinement d’actualité plus ou moins biens compris par le « citoyen-consommateur » d’où l’implication nécessaire des « gens du métier ».
De réductrice de risques car pourvoyeuse de nourriture donc, préservatrice de la famine, l’agriculture s’avère plus perçue, aujourd’hui comme productrice de risques. Alors que l’alimentation n’a jamais été aussi sure, comment peut-on expliquer cette mise à l’index de notre agriculture avec, parallèlement, la multiplication des « marchands de peur » prescripteurs, pour certains, de solutions très éloignées de la raison et de la rationalité.
Un séisme actuel avec six évènements, le 1er, l’agriculture – Michel Serres
Dans « Temps des crises », Michel Serres, philosophe des sciences, indique que le séisme actuel s’est pleinement préparé depuis 1950 avec six « événements » majeurs (voir GDS Creuse Mémo n°10 page 5) : « En agriculture, transports, santé, démographie, informatique, conflits, des bouleversements gigantesques ont transformé notre condition comme jamais cela n’était arrivé dans l’histoire ». Le premier, le plus profond, est la disparition de la majorité paysanne. En 1900, il y a en Occident 60 à 65% de paysans, en l’an 2000, il en reste 1,8%. Cette chute brusque des populations rurales marque la fin d’une période qui a commencé… avec le néolithique. C’est donc un bouleversement considérable dont les conséquences commencent seulement à se faire sentir. Les anciens s’appuient sur des schémas révolus. Les nouvelles générations n’ont jamais connu ce qu’est un élevage, ignorent les aléas des pratiques agricoles. Le citoyen-consommateur « croit à la bonté de la nature et à la mansuétude des tigres ».
Un métier d’agriculteur mal compris d’où une nécessaire prise de parole par les « gens du métier » – François Ewald
François Ewald, philosophe, membre de l’Académie des technologies et co-auteur de l’ouvrage « Le principe de précaution », rappelle que la modernisation de l’agriculture a permis de répondre aux besoins alimentaires de la population. Cette agriculture stable et abondante est depuis devenue, aux yeux du consommateur, productrice de risques, pas en termes de manque mais en termes de qualité alimentaire avec les dernières années marquées par des crises sanitaires. François Ewald indique que les agriculteurs doivent reprendre la parole pour expliquer leur métier dans tous les lieux où se retrouvent des responsables professionnels agricoles mais aussi d’autres horizons avec une présence des médias. François Ewald ajoute : « Les conseils municipaux devraient tous compter en leur sein au moins un agriculteur. Retrouver la confiance des Français n’est pas une tâche insurmontable. Mais cela implique au préalable trois impératifs. Le premier consiste à relever le défi des valeurs. En effet, on ne peut pas rester avec l’imaginaire du « jardin potager » et de la culture bio. Le deuxième consiste à réfléchir aux formes d’organisation susceptibles à la fois de produire et de porter ce nouveau discours. Enfin, le dernier impératif suppose de construire un discours autour de la « responsabilité sociale des agriculteurs ». Il s’agit de répondre aux questions suivantes : qu’est-ce qu’une agriculture responsable et quelle est la responsabilité de l’agriculture et des agriculteurs dans le monde de demain ? À travers ce concept s’exprime aussi la reconnaissance d’une interdépendance, à savoir que la société a aussi besoin du monde agricole. »
L’Anses confirme le « bon état général de l’alimentation » – Dr Jean-Louis Thiller…
L’Anses vient de réaliser la plus large photographie jamais réalisée des apports nutritionnels et expositions alimentaires aux substances chimiques de la population en France, en vue d’évaluer le risque à long terme de ces expositions. D’une façon générale, cette étude confirme le bon niveau de maîtrise des risques sanitaires associés à la présence potentielle de contaminants chimiques dans les aliments en France. Cependant, cette étude pointe également, pour certains groupes de populations, des risques de dépassement des seuils toxicologiques pour certaines substances telles que le plomb, le cadmium, l’arsenic inorganique ou l’acrylamide, nécessitant des efforts de réduction des expositions. Ces risques étant souvent associés à des situations de forte consommation d’un aliment ou groupe d’aliments donné (notamment, végétariens, grands mangeurs de poissons et de fruits de mer..), l’Anses rappelle l’importance d’une alimentation diversifiée et équilibrée en variant les aliments et la quantité consommée.
… avec un dédouanement des pesticides…
Interrogé sur le fait que les pesticides utilisés aujourd’hui ne figurent pas dans la liste des substances jugées inquiétantes par l’Anses, le Dr Jean-Louis Thillier, consultant scientifique européen et membre de l’Association pour la recherche en toxicologie, indique « qu’une grande confusion persiste dans l’esprit des consommateurs, ils font difficilement la part des choses entre la problématique liée à leur exposition à ces produits (principalement via l’alimentation) et celle qui concerne l’usage de ces substances par les professionnels. Or, l’exposition d’un consommateur est en moyenne 100.000 fois inférieure à celle d’un agriculteur ! L’étude Agrican, qui vient d’être publiée, concerne précisément ce dernier point. Ses conclusions confirment ce que d’autres études avaient déjà mis en évidence, à savoir que le risque de mourir d’un cancer est moins élevé chez les hommes et les femmes issus du milieu agricole ». Il ajoute : « Ceci démontre le côté déraisonnable de certaines associations écologistes, qui s’en prennent systématiquement aux pesticides, passant ainsi à côté des problèmes de santé réels qui nous entourent. »
… et « la consommation d’aliments issus de l’agriculture biologique ne montre pas d‘effet bénéfique sur la santé » – Bernard Le Buanec
En mai 2010, l’Académie d’agriculture a remis un rapport sur l’agriculture biologique. Intitulé « Regards croisés d’un groupe de travail de l’Académie d’Agriculture », ce projet a été piloté par Bernard Le Buanec. Il confirme ce qu’indiquait le rapport de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) « Evaluation nutritionnelle et sanitaire des aliments issus de l’agriculture biologique » de 2003, à savoir que la consommation d’aliments issus de l’AB ne montre pas d’effet bénéfique sur la santé. L’aspect le plus important pour la santé reste la diversité et l’équilibre du régime alimentaire.
Face aux facteurs de risques, un respect des chartes de bonnes pratiques, une communication raisonnée, rationnelle et équilibrée
Quel que soit le type d’agriculture conventionnelle, raisonnée, biologique…, des facteurs de risques sont identifiés… avec parallèlement des chartes de bonnes pratiques dont un des objectifs est la gestion de ces risques. La qualité professionnelle des intervenants s’illustre avec la formidable baisse des accidents sanitaires d’origine alimentaire. Mais comme ils sont rares et qu’ils touchent la santé, ils font la une de l’actualité dès qu’ils apparaissent. Cela implique :
• Que les professionnels continuent à respecter les chartes de bonnes pratiques.
• Qu’ils expliquent les modes de production à tout public intéressé dès qu’ils le peuvent avec une recherche d’informations rationnelles.
• Que les médias affinent leur analyse lors de survenue de problématique sans a priori sur les facteurs de risque. L’exemple de l’épidémie de gastro-entérites en Allemagne en juin 2011 a été très illustratif (cf. l’article de Libération).
Ce sujet « Agriculture, alimentation, environnement et santé humaine » est source de nombre de controverses. Mais en se basant sur des éléments rationnels, loin de l’écume médiatique, des idéologies et des « marchands de peur », les agriculteurs retrouveront la confiance de la société et pourront continuer d’être fiers de la nourrir.
Je reste à votre disposition pour tout renseignement complémentaire et vous présente, avec GDS Creuse, tous mes vœux, notamment de santé, pour cette nouvelle année.
Dr Didier GUERIN
GDS Creuse
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Agriculture, alimentation, environnement et santé humaine
Quelques sources d’information
- Une étude de l’ANSES « Résultats de l’étude nationale de surveillance des expositions alimentaires aux substances chimiques »
- avec un entretien avec le Dr Thillier