La petite douve du foie
Une dominante parasitaire des petits ruminants
Dicrocoeliose => C’est une maladie parasitaire provoquée par la petite douve ou Dicrocoelium lanceolatum, parasite du foie et de la vésicule biliaire. Très fréquent et très pathogène chez les ruminants, il provoque des formes aigües de la maladie chez les ovins et les caprins et des formes chroniques le plus souvent asymptomatiques chez les bovins.
Dicrocoelium lanceolatum, parasite de la famille des trématodes, est un ver plat de 6 à 10 mm de long sur 2 à 3 mm de large, muni de deux ventouses, une antérieure entourant « la bouche » et une postérieure, ventrale. La petite douve se nourrit de bile contrairement à la grande douve (Fasciola hepatica) qui est hématophage. Dicrocoelium lanceolatum se nourrit également de cellules épithéliales desquamées et de mucus dont la présence du parasite entraîne une hypersécrétion. Ce mode d’alimentation met ce parasite à l’abri des médicaments capables de diffuser dans le sang.
Un mode de contamination original
C’est un des cycles les plus originaux de tous les parasites, faisant intervenir un escargot terrestre et une fourmi (cycle trixène, cf. illustration). Les ruminants s’infestent par ingestion de fourmis contenant des métacercaires. Ces larves gagnent le foie par voie sanguine, se développent dans le parenchyme hépatique, puis se fixent dans les voies biliaires où elles deviennent adultes. La petite douve pond alors des œufs qui sont éliminés avec les fèces (résistance des œufs possible pendant 5 ans). L’escargot avale les œufs et excrète des boules agglomérées de mucus contenant des cercaires. La fourmi se nourrit de ce mucus et ingère les cercaires. Il se produit alors un phénomène unique en parasitologie. Des métacercaires se localisent au niveau du ganglion nerveux sous-œsophagien, engendrant des contractions mandibulaires qui bloquent la fourmi en haut des brins d’herbe, favorisant la contamination. Ce phénomène est accentué lorsque la température est inférieure à 13°C, donc essentiellement en fin de nuit.
Un parasite de terrain sec, mais pas trop…
Le rôle de la météo (pluviométrie, température) est très important sur le cycle du parasite. Les années où printemps et été, chauds et secs, sont entrecoupés de précipitations, sont plus favorables au déroulement du cycle de la petite douve. L’humidité est nécessaire à la survie des escargots, les années de forte sécheresse sont moins propices. Les années plus humides, les animaux restent dans les zones plus sèches, favorables aux escargots xérophiles et aux fourmis, donc propices à une contamination par Dicrocoelium lanceolatum. Le biotope de la petite douve est donc très différent de celui de la grande douve.
Un tableau clinique essentiellement hépatique
Les symptômes tels que diarrhée, amaigrissement et toison altérée amènent à suspecter la dicrocoeliose. Les lésions hépatiques sont responsables des troubles observés. En effet, grâce à la plasticité de leur corps et à leur petite taille, les petites douves remontent jusqu’aux ramifications les plus fines des canalicules biliaires. Elles constituent alors des petits bouchons et exercent une action mécanique d’obstruction. L’accumulation des petites douves peut entraîner une stase en amont avec congestion passive hépatique et dilatation des canaux. Avec leur stylet buccal, elles irritent la paroi entraînant une fibrose péri-canaliculaire. Enfin, la petite douve peut provoquer des hépatotoxémies foudroyantes. Lors de sa migration dans le parenchyme hépatique, elle peut transporter des germes anaérobies responsables de ces morts subites.
Un diagnostic basé sur les coprologies
En l’absence de symptômes spécifiques, toute suspicion est à confirmer par des analyses. Elles reposent sur la mise en évidence des œufs de Dicrocoelium lanceolatum dans les matières fécales. Les œufs sont pondus régulièrement, stockés dans la vésicule biliaire, puis entraînés par la bile dans l’intestin et rejetés à l’extérieur avec les fèces. Cela explique l’absence de corrélation entre le nombre d’œufs de petite douve par gramme de fèces et la charge parasitaire au niveau de l’animal. Le taux d’excrétion le plus important a lieu en automne et en hiver avec un maximum en mars.
L’autopsie est un diagnostic de certitude, principalement durant la phase d’invasion de la maladie où il n’y a pas encore d’émission d’œufs dans les matières fécales. Les petites douves peuvent être aperçues dans une bile noire et épaisse. Les lésions macroscopiques majeures peuvent également conforter le diagnostic nécropsique : dilatation des canalicules et des canaux biliaires sans calcification de leurs parois, parfois lésions de fibrose dans le parenchyme hépatique.
Le traitement de la dicrocoeliose
La petite douve possède des antigènes de surface et excrète des polypeptides antigéniques entraînant la synthèse d’anticorps par l’organisme de l’hôte. Cependant, la protection par une réaction immunitaire n’a pas été démontrée, un traitement est donc indispensable en cas d’infestation. Ce traitement devra être effectué plusieurs années de suite afin de réduire au maximum l’excrétion parasitaire fécale et de rompre la contamination des escargots hôtes intermédiaires de la petite douve. En cas d’infestation massive, il peut être intéressant d’effectuer deux traitements dans l’année. Seuls le nétobimin et l’albendazole ont une AMM pour Dicrocoelium lanceolatum, sur les formes adultes et avec une contre-indication dans le premier tiers de la gestation.
Un cycle original rendant l’éradication impossible
L’infestation par Dicrocoelium lanceolatum, appelée dicrocoeliose, se caractérise par l’originalité de son cycle évolutif, ce qui rend la prophylaxie de cette maladie particulièrement difficile, l’élimination des hôtes intermédiaires n’étant pas réalisable. L’emploi de spécialités vétérinaires aux propriétés dicrocoelicides peut être une solution après la rentrée des animaux en stabulation. Toutefois, des hôtes intermédiaires parasités survivent durant l’hiver et causent la ré-infestation lors de la mise à l’herbe l’année suivante. Pour tout renseignement complémentaire, contactez votre vétérinaire ou GDS Creuse et venez nous rencontrer lors de notre prochaine journée « portes ouvertes » du 11 mars.
Dr Boris BOUBET
GDS Creuse
Important!
La petite douve chez les bovins
En Creuse en 2016, sur 1.246 coprologies effectuées sur des bovins, seules 32 ont révélé de la petite douve. Mais l’infestation moyenne est certainement sous-évaluée, l’excrétion des œufs de Dicrocoelium lanceolatum est peu abondante chez les bovins (un animal infesté sur trois de diagnostiqué). En cas de doute, le recours aux coprologies individuelles, plus sensibles, est conseillé. Les bovins adultes plus âgés présentent la charge parasitaire maximale par effet cumulatif. Les conséquences de cette parasitose sur les bovins ont longtemps été sous-estimées, les récentes études menées sur la dicrocoeliose bovine montrent des répercutions sur l’état général des animaux, sur leur métabolisme et sur leurs performances zootechniques. L’atteinte hépatique causée par le parasite semble être à l’origine de perturbations hématologiques telles qu’une hypoalbuminémie. La saisie des foies et les possibles baisses de production représentent une perte économique variable pour l’élevage bovin. Les petits ruminants étant des multiplicateurs importants en matière de petite douve, il sera évité les pâturages communs petits ruminants/bovins. Le traitement s’appuie sur l’emploi de molécules dicrocoelicides mais aucun médicament n’a d’AMM Dicrocoelium en bovin et la posologie rend le traitement onéreux. Le bénéfice d’un traitement par rapport au coût engendré sera alors à étudier au cas par cas.