La parafilariose bovine
Des cas observés actuellement en Creuse
« Sueurs de sang » => Ces dernières semaines, des trainées de sang coagulé ont été observées sur plusieurs bovins, essentiellement des taureaux, dans différents élevages. Il s’agit de la parafilariose bovine, aussi appelée « maladie des sueurs de sang ».
La parafilariose bovine est une maladie parasitaire du printemps/été due à la présence, au développement et à la migration dans le tissu conjonctif sous-cutané et intermusculaire d’un nématode, la filaire Parafilaria bovicola. Elle se manifeste par la formation de nodules hémorragiques cutanés, surtout sur les parties antérieures et dorsales de l’animal (plaies d’été d’où son appellation de « maladie des sueurs de sang »), ainsi que par des lésions sous-cutanées et musculaires ayant l’apparence de contusions. Le parasite est transmis aux bovins par des mouches.
Une répartition mondiale, une présence en France, plutôt en zones allaitantes
Cette affection est rencontrée dans de nombreuses régions du globe comme l’Afrique (sud, Maroc, Tunisie…) ou l’Asie (Inde, Philippines…). Enzootique en Suède, Bulgarie et Roumanie, elle évolue en France depuis plus d’un demi-siècle avec une répartition mal connue. Des cas ont été décrits dans le Sud-ouest (Piémont Pyrénéen), le Massif Central, en Franche-Comté et en Bourgogne.
Une saisonnalité marquée avec un pic d’observation de mai à juillet
Les 1ers saignements apparaissent au printemps et disparaissent en fin d’été. En Suède, un pic de saignements s’observe en mai avec une diminution en juin et une légère reprise en juillet avant une complète disparition. Parallèlement, on remarque une saisonnalité des saisies pratiquées sur les carcasses pour parafilariose. En relation avec le cycle (cf. encadré), l’incidence lésionnelle est faible d’août à décembre pour augmenter à partir de janvier pour atteindre un maximum de février à mars. Ce niveau maximum est maintenu pendant 6 mois avant de diminuer à partir de juillet. Ce pic d’observation des saignements au printemps s’expliquerait par les éléments suivants : long développement chez le bovin, biologie des mouches, apparente nécessité d’un ensoleillement suffisant comme stimulus à la ponte du Parafilaria bovicola.
Une observation majoritaire sur les jeunes taureaux
La fréquence des animaux atteints augmente à partir de 2 ans jusqu’à 4 ou 5 ans. Les mâles sont beaucoup plus souvent atteints et plus sévèrement touchés que les femelles. Les génisses sont plus atteintes en 1ère saison de pâture et les vaches adultes ne présentent que très rarement des symptômes. Ceci est très certainement en relation avec le développement d’une immunité sous influence d’hormones sexuelles. Par contre, certaines vaches immunisées peuvent être porteuses saines et indirectement contaminer les taureaux nouvellement introduits.
Les nodules hémorragiques avec « sueurs de sang », signes visibles de la maladie
Les bovins atteints présentent sur la peau des nodosités dures et indolores de la taille d’un pois à une noisette. Ce sont des tuméfactions remplies de sang dans lesquelles sont encapsulés des vers femelles. Lors de la ponte, les femelles créent un orifice cutané par lequel s’échappe un filet de sang laissant une tramée de sang coagulé longue de 15 à 30 cm. Ensuite le nodule s’affaisse et disparaît. Si les nodules sont nombreux et s’ouvrent dans un laps de temps réduit, l’ensemble prend l’aspect de « sueurs de sang ». Les surinfections bactériennes sont rares, certaines nodosités peuvent se transformer en abcès sous-cutanés. L’état de santé des animaux infestés est, le plus souvent, normal avec un bon état général et un appétit conservé. Parfois, un animal (souvent un taureau) peut apparaître « raide », gêné dans ses déplacements avant l’apparition des signes locaux. Les points de saignement sont répartis des 2 côtés de l’animal avec une localisation préférentielle dans la moitié supérieure du corps en relation avec la nécessité de l’ensoleillement pour la ponte des femelles.
Un traitement des bovins identifiés avec de la clinique le plus précocement possible
Le traitement est basé sur l’ivermectine sous sa forme injectable à la dose de 200 microgrammes par kilogramme de poids vif. Une injection par voie sous-cutanée en début de période de saignement permet l’arrêt des hémorragies cutanées et prévient la formation de nouveaux nodules. La prescription du médicament sera réalisée par le vétérinaire traitant après consultation du bovin et confirmation du diagnostic. Au-delà du temps d’attente du médicament, afin de limiter les saisies partielles pour parage et épluchage des zones atteintes, un délai de deux mois pour l’abattage est indiqué, temps nécessaire pour la résorption des lésions et la limitation des séquelles. En l’absence de traitement, la parafilariose prend l’allure d’une maladie récurrente, s’exprimant chaque année sur le même animal, jusqu’a trois ou quatre ans de suite d’où l’intérêt d’une intervention thérapeutique dès l’observation des 1ers symptômes.
Une parasitose sporadique sous-diagnostiquée
En France, il est très difficile de préciser la prévalence réelle de cette parasitose. Comme le montrent les remontées de printemps de ces dernières années, elle existe mais reste sporadique. Sa méconnaissance fait penser que la parafilariose bovine demeure très certainement sous-diagnostiquée. Les saignements sont souvent attribués à des blessures (barbelés, coups de cornes) ou à des piqûres d’insectes. De plus, ces saignements sont généralement de courte durée et peuvent donc passer inaperçus. La ressemblance des lésions avec des contusions suite au transport des animaux ainsi que le faible nombre de vers présents sur les carcasses, justifie aisément qu’aucun abattoir en France ne recherche le parasite à l’inspection des carcasses.
Dr Didier GUERIN
GDS Creuse
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Parafilaria bovicola : un cycle avec une implication des mouches
Le cycle nécessite une mouche, hôte intermédiaire, et un bovin, hôte définitif.
Les « mouches d’automne », vectrices
L’hôte intermédiaire, obligatoire pour la réalisation du cycle, est un insecte suceur labial du genre Musca, Musca automnalis (la « mouche d’automne ») en France. Cette mouche apparaît tôt au printemps autour de la tête des bovins (yeux, mufle) et accessoirement près de l’encolure et du garrot. Elle est active d’avril à octobre, à une température ambiante de 14 à 25°C. Ces mouches transmettent souvent, en même temps que la parafilariose bovine, la kératoconjonctivite infectieuse bovine. La mouche femelle, seule hématophage, est attirée par le sang épanché à la surface des nodules produits par la ponte du filaire femelle adulte. En même temps que le repas sanguin, la mouche absorbe des œufs du parasite qui évoluent en microfilaires (larve stade I). Elle héberge la larve du stade I au stade III avec un développement en une vingtaine de jours. L’infestation d’autres bovins s’effectue par les mouches au moment du repas, soit sur les nodules hémorragiques, soit au niveau orbitaire lorsque les mouches se nourrissent des sécrétions lacrymales. Elle intervient de mi-juin à début juillet.
Une longue période de développement chez le bovin
Au cours de sa migration dans les tissus conjonctif sous-cutané et intermusculaire, le développement larvaire se poursuit passant du stade III au stade V puis en adulte en 135 jours. Les femelles pondent leurs œufs embryonnés 240 jours après infestation à la surface de la peau qu’elles doivent donc traverser grâce à l’appareil vulnérant qu’elles possèdent, il est constitué de six petites lames tranchantes disposées de part et d’autre de la bouche. Après la ponte, les parasites meurent et s’enkystent dans le tissu conjonctif.
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