L’ehrlichiose bovine
Une maladie transmise par les tiques
L’ehrlichiose bovine => L’ehrlichiose a été progressivement mise en évidence dans de nombreux départements de France dont la Creuse. Maladie transmise par les tiques, sa gestion nécessite une connaissance approfondie et une approche raisonnée.
Encore inconnue en France il y a une dizaine d’années, l’ehrlichiose bovine est responsable d’un syndrome grippal ainsi que de chutes de production laitière et d’avortements chez les bovins atteints. La maladie est également diagnostiquée chez l’homme chez qui elle porte le nom d’anaplasmose humaine. Elle se traduit chez lui par un « syndrome grippal estival ». Il s’agit donc d’une maladie commune à l’homme et aux animaux vectorisée par les tiques.
Une maladie bactérienne transmise par des tiques
L’ehrlichiose bovine est une maladie bactérienne. Normalement, le portage est asymptomatique. Mais si les animaux sont contaminés pour leur première fois, à une période plus « sensible » ou « fragile » de leur vie, les effets sont conséquents ; fièvre, chute de lactation et pneumonie en sont les principales manifestations. Sur quelques animaux, il peut aussi être observé de gros paturons entraînant une démarche ébrieuse. Cependant, ce signe caractéristique de la maladie ne se manifeste que rarement. Elle porte également le nom de « fièvre des pâturages » puisqu’elle se traduit par une forte fièvre d’allure contagieuse souvent associée à un « syndrome grippal » de l’été sur des animaux en pâture.
Des modifications des écosystèmes comme révélateur
C’est une maladie de modification des écosystèmes (achats, recompositions, introductions d’animaux non-protégés dans des biotopes-réservoirs). Ainsi, la présence antérieure dans le troupeau d’autres maladies liées aux tiques (piroplasmose, fièvre Q…) permet de suspecter la présence d’ehrlichiose. Ses périodes d’observation sont en rapport avec la biologie des tiques : d’avril à septembre (cf. article du 09/05/2014). Les tiques se contaminent généralement à partir de petits animaux sauvages tels que les campagnols ou les mulots. L’inoculation de la bactérie se fait plus de 24 heures après la morsure et la durée d’incubation est de l’ordre de 48 à 72 heures. La maladie évolue en cinq à dix jours. Elle peut rester présente durant quatre ans en fonction de la conduite du troupeau et de la virulence de la souche infectante. On peut constater des rechutes au sein d’un même foyer d’une année sur l’autre. Toutefois, il existe une immunité de prémunition par primo-infection. Les génisses seraient moins sensibles que les vaches adultes, tout comme c’est le cas pour la piroplasmose (cf. article du 16/05/2014).
Des symptômes variables
La maladie se manifeste le plus souvent initialement par une forte baisse de la production laitière, voire une agalaxie complète, d’où son identification plus facile et courante en élevage laitier qu’en élevage allaitant. Une fièvre généralement supérieure à 40°C est observable sur plusieurs individus du troupeau donnant une allure « pseudo-contagieuse » à la maladie. Les animaux perdent progressivement l’appétit, leur état général se dégrade. Une toux sèche puis grasse accompagnée de difficultés respiratoires se manifeste (syndrome grippal estival). Des avortements d’allure « pseudo-contagieuse » peuvent être observés (cf. article « avortements » du 18/10/2013). Un signe caractéristique de la maladie, l’œdème des paturons, peut se manifester dans certains cas. Néanmoins, son expression reste rare puisqu’on le rapporte dans 1 élevage sur 10 et sur 1 vache sur 10. L’ehrlichiose bovine entraîne une baisse des défenses immunitaires (infection des globules blancs) et peut donc également favoriser la survenue d’autres maladies (fièvre Q, piroplasmose…). Enfin, la maladie peut également évoluer de façon plus insidieuse, moins visible ou de manière asymptomatique dans les élevages avec une immunité bien installée et entretenue par des contacts réguliers. La maladie peut, par contre, apparaître sur de nouveaux animaux non-immunisés introduits ou à la suite d’un stress physiologique chez les animaux du troupeau (vêlage, maladie intercurrente, parasitisme, alimentation insuffisante ou déséquilibrée…).
Un diagnostic qui s’appuie sur des examens de laboratoire
La suspicion repose sur un contexte épidémiologique particulier : saison, changement de pâturage, introduction d’animaux ou regroupement de troupeaux sur une parcelle infestée sur laquelle le troupeau « autochtone » ne présente pas de signes d’ehrlichiose. Les signes d’appel majeurs sont la fièvre et la chute de production laitière auxquelles on peut ajouter les signes respiratoires et, parfois, les avortements. Tous ces symptômes peuvent être aussi attribués à d’autres pathologies qu’il faudra différencier. Le recours au laboratoire s’avère donc indispensable pour établir un diagnostic de certitude. Dans la phase initiale de la maladie (les trois premiers jours), sur le sang ou sur les organes d’animal mort ou d’avorton, la détection de la bactérie peut se réaliser par PCR. Dans la 2ème phase de la maladie (soit après une semaine d’évolution minimum), chez des animaux convalescents ou chez les vaches d’un lot ayant avorté, la sérologie permet de mettre en évidence le « passage » de la bactérie dans un effectif d’animaux et est donc à interpréter avec précaution en intégrant le contexte clinique et épidémiologique.
Un contrôle difficile qui demande une connaissance du biotope
Les antibiotiques de la famille des tétracyclines représentent le traitement de choix, y compris sous leur forme retard. La rapidité d’intervention constitue un élément déterminant de réussite du traitement d’où l’importance d’une surveillance étroite de ses animaux. Le contrôle s’avère difficile et repose sur la gestion des contacts entre les tiques et les bovins. L’apparition d’ehrlichiose dans un élevage peut découler de trois situations : arrivée d’animaux « naïfs » (n’ayant jamais été en contact avec cet agent infectieux) dans une zone contaminée, baisse d’immunité chez des animaux normalement immunisés ou apparition de la maladie dans une nouvelle zone. Un contrôle adapté nécessite une connaissance du type de situation. Dans les zones contaminées, il sera fait en sorte de laisser les génisses se contaminer pour obtenir une immunisation. En cas d’apparition de la maladie, la prévention en urgence passera par le traitement de tout le lot avec un produit efficace sur les tiques. Ensuite, ne seront traités que les animaux à risque, notamment les nouveaux introduits. Le maintien d’un niveau de pression infectieuse maîtrisable par les défenses immunitaires demande une limitation des contacts hôte-vecteurs grâce à des mesures agroenvironnementales : débroussaillage raisonné, recul des clôtures électriques avec nettoyage des zones entre la clôture et la haie ou le bois…
En conclusion, être attentif et investiguer
L’ehrlichiose peut avoir un impact conséquent dans un élevage. Sa mise en évidence demande une attention toute particulière de ses animaux en raison de la discrétion des premiers symptômes en élevage allaitant (chute de production laitière). Une prévention efficace passe obligatoirement par une connaissance précise de l’épidémiologie locale de cette maladie. La lutte contre les tiques peut être à l’origine d’une rupture d’équilibre du système, elle peut être nécessaire en urgence mais ne doit pas être systématique et demander une prudence importante lors de son utilisation. L’ehrlichiose, comme la piroplasmose, est une « maladie des biotopes ». Toute modification des milieux conduit à l’émergence et la résurgence de telles pathologies. De plus, l’ehrlichiose est une zoonose.