Antibiotiques et antibiorésistance
Une prise de conscience nécessaire des règles d’usage
Antibiorésistance : Les antibiotiques ont révolutionné la médecine au vingtième siècle mais l’émergence rapide de l’antibiorésistance a conduit à la mise en œuvre de mesures de préservation de ces molécules : évolution des règles d’antibiothérapie, plans Écoantibio, développement des mesures de prévention en élevage pour limiter l’impact des maladies.
Les antibiotiques sont des molécules qui permettent de combattre efficacement les bactéries pathogènes mais ils interfèrent avec toutes les bactéries de l’organisme et de l’environnement.
Antibiotiques et antibiorésistance, une histoire conjointe depuis des millénaires…
La plupart des antibiotiques sont issus de bactéries ou de levures qui s’en servent pour détruire d’autres bactéries ou protozoaires. En réaction, ces bactéries cibles ont mis au point des mécanismes de défense. Dans une grotte fermée depuis 4 millions d’années, des bactéries qui n’avaient jamais eu de contacts avec l’extérieur ont été isolées. 70 % d’entre elles portent déjà des facteurs de résistance aux antibiotiques utilisés de nos jours. En 1928, Flemming découvre accidentellement l’existence de la pénicilline, elle est purifiée et commercialisée en 1941 mais dès 1945 des facteurs de résistance sont décrits. L’antibiorésistance est donc aussi vieille que les antibiotiques, mais leur emploi massif a considérablement accéléré le processus.
…avec deux mécanismes principaux de résistance
Lorsque des bactéries sont confrontées à un antibiotique, deux mécanismes peuvent intervenir :
- Les bactéries les plus sensibles sont détruites rapidement et seules survivent celles qui présentent un facteur de résistance à cet antibiotique. Progressivement, on sélectionne une souche de bactéries génétiquement résistantes, on parle de résistance chromosomique.
- Les bactéries ont la faculté d’échanger entre elles de petits morceaux de matériel génétique. Lorsqu’un antibiotique attaque une colonie de bactéries, celles qui présentent un facteur de résistance le transmettent aux autres par diffusion, on parle de résistance plasmidique. Cette transmission peut se faire au sein d’une même famille de bactéries ou de groupes différents.
Toute utilisation d’antibiotique favorise l’apparition d’antibiorésistance et plus on utilise d’antibiotiques, plus la résistance augmente. L’antibiorésistance est favorisée par une mauvaise utilisation des antibiotiques : prescription mal respectée (sous-dosage, réduction ou augmentation du temps de traitement…), antibiotiques périmés ou mal conservés, mauvaise homogénéisation du flacon d’antibiotique avant injection, surestimation ou sous-estimation du poids de l’animal à traiter… Pour rappel, tous les résidus d’antibiotiques, y compris les flacons vides, doivent être éliminés dans les bacs spécifiques de déchets d’activité de soins (bacs jaunes DAS).
Du miracle au problème
L’emploi d’antibiotiques a révolutionné la médecine, repoussant le spectre des maladies bactériennes. Mais cela reste quelque chose de récent et qui a perturbé des mécanismes millénaires d’équilibre entre antibiotiques et antibiorésistance. Sous la pression thérapeutique, les bactéries les plus fragiles disparaissent, laissant la place à celles qui s’adaptent, échangeant plus fréquemment des plasmides. Une même bactérie peut aujourd’hui présenter des facteurs de résistance à de très nombreux antibiotiques, voire tous, conduisant à des situations d’impasse thérapeutique. Dans le même temps, la découverte de nouvelles familles d’antibiotiques devient exceptionnelle. La seule solution pour garder ces molécules actives est de revoir leur usage afin de les utiliser de manière limitée, plus ciblée et pertinente.
De nouveaux conseils d’usage des antibiotiques
Historiquement, la prescription d’antibiotiques répondait à l’adage : « Vite, Fort, Longtemps ». Une meilleure connaissance de la pharmacodynamie conduit à faire évoluer ces pratiques. La vitesse d’action reste déterminante ; plus vite j’interviens, moins la colonie bactérienne est nombreuse et installée. A l’échelle de l’élevage, cela implique de soigner un animal malade le plus vite possible, voire de traiter tous les animaux du lot en cas de problème important (métaphylaxie). La dose à utiliser va également dépendre de l’état de l’animal. Lorsque l’on intervient sur un animal dans un état dégradé, le premier traitement doit permettre d’atteindre un maximum de bactéries très rapidement. Cela peut passer par une dose de charge plus importante et une voie d’administration comme l’intraveineuse. Le temps de traitement est plutôt revu à la baisse, surtout si on a pu intervenir rapidement et avec des doses importantes. Les jours de traitement supplémentaires risquent de favoriser la sélection des bactéries les plus résistantes. Le conseil dorénavant, ce serait plutôt « Plus vite, plus fort, moins longtemps ».
Un antibiotique, mais lequel ?
Chaque antibiotique a un spectre d’activité et des caractéristiques propres. Le choix va prendre en compte de nombreux facteurs :
- La voie d’administration. Un antibiotique oral ou local va être en contact avec de nombreuses bactéries et donc plus susceptible de générer des résistances dans d’autres colonies. Sur un humain, on trouve 10 millions de milliards de bactéries sur la peau et 100 fois plus dans les intestins !
- La posologie. Elle va varier en fonction de l’état de l’animal, de son âge mais surtout de son poids. Beaucoup trop d’animaux sont sous-évalués et reçoivent donc un traitement sous-dosé qui va favoriser l’apparition de résistances.
- La bactérie à laquelle je suis confronté. Plus le spectre d’activité de mon antibiotique est étroit, moins l’impact sera important sur les autres bactéries. Les médicaments à très large spectre vont disparaitre progressivement, le vétérinaire devra alors évaluer précisément la bactérie qu’il souhaite combattre et choisir l’antibiotique le plus adapté.
Les plans Écoantibio 1 et 2, un succès des filières élevage
Initiés en 2011, l’objectif était de réduire la consommation globale d’antibiotiques, et plus spécifiquement critiques comme les céphalosporines 3e et 4e génération (C3G et C4G), les fluoroquinolones (FQ) et la colistine. En 12 ans, la consommation globale d’antibiotiques en élevage a baissé de 52 %, et les résultats sont encore plus spectaculaires pour les antibiotiques ciblés : – 95 % pour les C3G et C4G, – 88 % pour les FQ et – 79 % pour la colistine. Cela traduit la prise de conscience de tous les acteurs des filières, principalement les éleveurs et les vétérinaires. Et l’impact sur l’antibiorésistance est tout aussi spectaculaire ! Toutes les études confirment la baisse rapide des phénomènes de résistance des bactéries comme les E. coli par exemple. La même tendance est observée en Europe et dans la plupart des régions du monde.
Entre 2011 et 2022, la baisse de la consommation d’antibiotiques en élevage est spectaculaire. Elle reste variable suivant les filières mais toutes n’avaient pas le même niveau d’exposition au départ.
Les mesures de prévention plus que jamais au cœur de l’élevage
La période « une infection – un antibiotique » va rapidement arriver à son terme, du fait d’une pression accrue sur la réduction de leur emploi et d’un choix de plus en plus limité. L’élevage a plus 10.000 ans et pendant 9.900 ans, il s’est fait sans antibiotique. Ceux-ci ont accompagné le développement d’un élevage plus intensif avec une augmentation de la concentration des animaux parfois au détriment des règles de base de l’élevage. La biosécurité doit reprendre une place centrale, en veillant à la maîtrise des flux de maladies par des mesures sanitaires et au bien-être des animaux pour qu’ils aient un système immunitaire plus fort. Cela passe par la maitrise de facteurs de risques : alimentation, parasitisme, ambiance dans les bâtiments, mise en place de vaccinations ciblées…
Important!
Plan Écoantibio 3 (2023 – 2028)
Le plan Écoantibio 3 (2023-2028) vise à prolonger la dynamique afin de limiter l’émergence et la diffusion de résistances aux antibiotiques chez les animaux et les risques qui y sont associés. En raison de l’importance croissante de cette problématique en santé animale, il s’ouvre pour la première fois aux résistances aux autres antimicrobiens et aux antiparasitaires et se fixe les objectifs suivants :
- Maintenir la dynamique en conservant les niveaux actuels d’exposition des animaux de rente et en se fixant un objectif spécifique de réduction de 15 % de l’exposition des chiens et des chats aux antibiotiques, à l’horizon 5 ans ;
- Préserver l’arsenal thérapeutique chez les animaux ;
- Renforcer la prévention des maladies induisant un recours aux antimicrobiens et aux antiparasitaires ;
- Promouvoir le bon usage des antimicrobiens et des antiparasitaires à l’échelle de l’animal et du troupeau ;
- Mieux connaître la résistance aux antimicrobiens et aux antiparasitaires ;
- Susciter l’engagement des filières, des professionnels et des citoyens sur l’antibiorésistance.
Le ministère de l’Agriculture mise sur la formation des éleveurs, l’incitation à vacciner davantage et la mise en œuvre de pratiques d’élevage permettant de réduire les risques d’apparition de maladies.
Retrouvez le plan complet en suivant le lien : https://agriculture.gouv.fr/le-plan-ecoantibio-3-2023-2028
La lutte contre l’antibiorésistance, une action collective indispensable
La lutte contre l’antibiorésistance est un enjeu majeur et mondial de santé publique. La perte d’efficacité des antibiotiques impacte les santés humaine et animale et celle des écosystèmes, ces santés étant interconnectées. Cela correspond à la notion de « One Health – Une seule santé ». L’utilisation d’antibiotiques en élevage doit se faire dans un cadre réglementaire, avec enregistrement des soins dans votre carnet sanitaire. Deux formations éleveurs infirmiers de son élevage bovin sont programmées les 1er et 20 février, n’hésitez pas à nous contacter pour tout commentaire, suggestion ou demande.
Important!
N’hésitez pas à vous inscrire avant le 26 janvier, il reste quelques places!!!
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