Maladies animales et changement climatique – 03 janvier 2024

Pathologies en élevage
Le changement climatique au centre des réflexions pour l’élevage de demain

 

Maladies animales et changement climatique : Caractérisé notamment par une hausse des températures, le changement climatique a un impact sur l’élevage, toutes espèces confondues. Le métabolisme des animaux est affecté, l’ensemble des écosystèmes est bouleversé et des pathologies transmissibles peuvent apparaître ou réémerger.

L’évolution des pathologies en élevage dépend de nombreux facteurs : ­déforestation et artificialisation des sols qui favorisent les contacts avec la faune sauvage et ses agents pathogènes, voyages et commerce international qui permettent l’introduction de nouvelles maladies ou de vecteurs, intensification des élevages qui accélère la propagation des pathologies, évolution climatique, … Une note du Ministère de l’Agriculture parue en 2023 présente les principaux mécanismes au travers desquels le changement climatique influe sur les maladies animales.

Le changement climatique, une conséquence des activités humaines

Le changement climatique désigne l’ensemble des variations des caractéristiques climatiques « attribuées directement ou indirectement à une activité humaine altérant la composition de l’atmosphère mondiale ». Il se manifeste en premier lieu par la hausse de la température moyenne résultant de l’élévation de la concentration atmo­sphérique en gaz à effet de serre (GES), principalement dioxyde de carbone, méthane et protoxyde d’azote. Il entraîne aussi, à diverses échelles, des modifications plus circonscrites dans l’espace et dans le temps : désertification, déplacement des traits de côte, accélération du cycle de l’eau, multiplication des événements météorologiques extrêmes.

Un impact direct et indirect sur la physiologie des animaux…

Le changement climatique a un impact direct sur la physiologie des animaux. Les sécheresses et les vagues de chaleur provoquent un stress thermique, source de souffrance, de déshydratation, de troubles ­cardio-respiratoires parfois mortels. Ces effets se manifestent par des pertes de poids, des troubles de la reproduction, des changements de comportements qui, à terme, menacent l’état sanitaire général des populations animales et peuvent altérer les rendements productifs des cheptels. Les maladies non transmissibles (troubles métaboliques ou reproductifs) peuvent ainsi être la conséquence directe des conditions météorologiques, elles-mêmes impactées par le changement climatique. Ces effets sont renforcés pour les animaux d’élevage par l’altération, quantitative et qualitative, de l’alimentation animale lors d’épisodes climatiques extrêmes (sécheresse, canicule, inondations). La baisse des rendements en fourrage, la moindre valeur nutritive des céréales et de l’herbe des pâturages (diminution des concentrations en glucides hydrosolubles et en azote, augmentation de la lignine et des composants de la paroi cellulaire) ou les difficultés d’accès à l’eau sont d’autant moins bien tolérées par les animaux que leur système immunitaire est affecté, notamment lors de fortes chaleurs. Le changement climatique impacte aussi la prise alimentaire des animaux sauvages, rencontrant des difficultés pour se nourrir ou s’abreuver. Ils doivent alors se déplacer hors de leur territoire habituel jusque dans des zones occupées par des animaux domestiques ou des humains. Les contacts qui en résultent peuvent être à l’origine de contaminations.

… et sur les risques infectieux

La hausse des températures favorise la propagation de maladies parasitaires ou vectorielles et de maladies à réservoir sauvage. Cela accélère le développement biologique de certains pathogènes et accroît leur population, étend l’aire de distribution des insectes vecteurs et donc l’incidence des maladies associées dans des régions auparavant peu concernées. Le changement climatique peut aussi modifier les cycles des pathogènes, conduisant à une croissance plus rapide de ceux-ci en dehors de l’hôte et à une présence saisonnière prolongée. Les tiques, par exemple, acariens ectoparasites hématophages, sont normalement actives au printemps et en automne, et inactives en hiver. Des hivers plus doux induisent leur persistance plus longue dans le milieu extérieur (voire continue en France métropolitaine) avec un risque de contamination plus grand par les maladies dont ils sont vecteurs (piroplasmose, ehrlichiose). Il en est de même avec la besnoitiose et les stomoxes, ou la FCO et la MHE avec les culicoïdes. La hausse des températures moyennes n’est pas l’unique facteur conditionnant l’aire de répartition des maladies vectorielles. Pour les maladies transmises par les moustiques, notamment, la pluviométrie est déterminante. Ainsi, les espèces des genres Aedes et Culex se développent à la faveur de forts cumuls de précipitations suivis de plusieurs cycles d’hydratation/déshydratation. Cela a favorisé la diffusion du virus West Nile en Europe. La modification des parcours ou de la temporalité des migrations animales saisonnières renforce parfois l’ampleur des épidémies, comme dans le cas de l’influenza aviaire. Les oiseaux migrateurs sont présents en plus grand nombre au même moment sur les points d’eau qui constituent des relais sur les trajets de migration. La diffusion de virus Influenza peut alors être massive et rapide.

Des conséquences contrastées à l’échelle mondiale

Le changement climatique modifie la nature et la probabilité de survenue des maladies animales pour une région donnée. Sous son influence, on constate par exemple que les épizooties dues à des maladies vectorielles sont devenues plus fréquentes et concernent désormais une plus vaste zone géographique. Les caractéristiques du système alimentaire local (notamment en matière de densité des populations animales) conditionnent les conséquences de cette évolution (intensité et nature des effets). Dans les régions du monde où prédomine l’élevage familial de subsistance, les maladies persistent souvent sous une forme endémique.  Seules les exploitations infectées sont impactées (maladie ou mort des animaux engendrant des pertes économiques) mais cela constitue autant de réservoirs susceptibles d’occasionner des crises.  Dans les régions d’élevages intensifs et de grande taille, une épizootie peut prendre une large envergure et occasionner des impacts macroéconomiques considérables. Les flambées épizootiques sont favorisées par la concentration des individus et la gestion inclut des mesures contraignantes (interdiction de mouvement parfois accompagnée de la dégradation du statut sanitaire au sens de l’Organisation Mondiale de la Santé Animale (OMSA), abattage). L’ensemble du secteur agricole et commercial peut alors être impacté.

Des actions collectives face aux maladies animales liées au changement climatique

Les liens entre changement climatique et pathologies en élevage s’inscrivent dans une interaction complexe entre santé animale et évolutions environnementales, qui inclut des facteurs d’origine anthropique (intensification agricole, mobilité, artificialisation…). Pour cette raison, les actions publiques s’efforcent de prendre en charge dans sa globalité le ­changement climatique et ses conséquences néfastes sur la santé animale. Cela relève d’une approche One Health visant à tenir ensemble les enjeux de santé animale, humaine et des écosystèmes. Une première stratégie peut ainsi viser à limiter l’émergence et la diffusion des maladies animales en renforçant l’épidémiosurveillance, afin d’identifier les pathogènes, d’intervenir sur les phases de transmission et de limiter les contagions. En France, la plateforme d’Épidémiologie en Santé Animale (ESA) assure ce rôle de surveillance et d’alerte précoce. Le caractère transfrontalier des épizooties encourage cependant à envisager l’action collective à une échelle internationale. Les organisations internationales ont développé depuis plusieurs années des réseaux permettant aux pays, par l’intermédiaire des services vétérinaires, d’émettre des alertes lorsque des maladies réglementées sont diagnostiquées. Cette fonction de surveillance est d’autant plus importante qu’elle permet d’identifier au plus tôt les transmissions inter-espèces (environ 75 % des maladies émergentes sont zoonotiques) et qu’elle conditionne l’ensemble des activités de gestion.

Anticiper pour limiter l’impact sanitaire et économique

La standardisation des signalements et des systèmes d’alerte doit permettre d’améliorer la réactivité des autorités sanitaires. Par ailleurs, une plus grande transversalité entre santé animale, santé publique et écosystémique, pourra améliorer la performance économique et la durabilité de l’agriculture et les stratégies nationales visant l’atteinte des objectifs des Accords de Paris en matière d’atténuation du changement climatique. Les travaux de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) montrent que la mise en place de programmes de santé animale (lutte contre les parasites, campagnes de vaccination, etc.), permettent à la fois d’augmenter la productivité (gains parfois supérieurs à 50 %) et de réduire les émissions de GES par les animaux d’élevage (jusqu’à 80 %). Dans cette perspective, la santé animale ne représente plus uniquement une vulnérabilité au changement climatique mais aussi un levier dans les stratégies pour y faire face. Tous les acteurs de terrain devront prendre une part active au développement de telles solutions.

Une implication de tous dans la gestion des risques

Une gestion efficace des risques passe par le développement de la prévention et l’assurance : diffusion des bonnes pratiques au niveau des élevages, maillage territorial vétérinaire, dispositifs d’atténuation des pertes économiques. L’ensemble devra s’intégrer dans des stratégies transversales, souples et évolutives, visant à améliorer la santé animale dans un contexte de transformation multifactorielle de l’environnement. Des solutions adaptées au contexte, en particulier en ce qui concerne les systèmes d’élevage, devront être élaborées afin d’améliorer le statut sanitaire des populations animales, mais aussi d’augmenter la productivité des élevages et de limiter leur contribution aux émissions de GES. La Région Nouvelle-Aquitaine est engagée dans le projet Adapt’Agro pour accompagner les éleveurs dans cette démarche et votre GDS va participer à ces travaux. La santé animale apparaît donc à la croisée des stratégies de santé publique, de sécurité alimentaire, de protection de la biodiversité et de lutte contre le changement climatique.

 

 

Les élus et le personnel de GDS Creuse et Farago Creuse se tiennent à votre disposition et vous souhaitent une bonne et heureuse année 2024.

Dr Boris BOUBET – GDS Creuse

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