Les strongles gastro-intestinaux des ovins – Faîtes des analyses !!! – 02 août 2023

Strongles gastro-intestinaux des ovins
Analyser pour raisonner vos interventions

Plan antiparasitaire : Nous sommes confrontés à un épisode de contamination des ovins par des strongles gastro-intestinaux. L’apparition de résistances de ces parasites aux anthelmintiques nécessite de revoir la gestion globale du parasitisme dans les élevages.

La gestion des strongles dans les troupeaux a longtemps été basée sur des traitements « en aveugle » de tous les animaux du troupeau et plusieurs fois dans la saison. Ce modèle montre ses limites : le contexte économique est fragile, le nombre de molécules disponibles se réduit et de nombreuses résistances apparaissent. Le traitement demande donc à être le fruit d’une réflexion, prenant en compte plusieurs paramètres : statut des animaux, résultats de coprologies, gestion des pâtures, choix des molécules…

Un cycle des strongles à connaître

Le mouton peut être parasité par différentes espèces de strongles, les plus fréquentes étant Haemonchus et Ostertagia (Teladorsagia) dans la caillette et Trichostrongylus dans l’intestin grêle. Tous partagent un cycle comparable avec excrétion d’œufs dans les crottes qui éclosent et se transforment en L3 au pré, larves qui seront ingérées pour boucler le cycle. Les larves se développent selon la température, l’optimal se situant entre 25 et 30°C. Le cycle peut donc varier de 1 à 4 semaines en fonction du milieu. Avec une météo favorable, de l’humidité et une température clémente, plusieurs cycles consécutifs sont observés et la contamination des pâtures s’accroit inexorablement. Seuls des épisodes de sécheresse ou le froid hivernal cassent cette dynamique.

Les strongles chez les ovins présentent un cycle très simple et très efficace. Les deux principaux facteurs de variation sont l’immunité des moutons et les facteurs climatiques qui conditionnent la persistance des larves et leur vitesse de développement. Les larves se concentrent dans les cinq premiers centimètres de l’herbe, tout surpâturage favorise la contamination.

Un impact majeur sur les jeunes

Les agneaux n’ayant jamais été en contact avec les parasites sont les principaux animaux touchés. Ils vont présenter de la diarrhée, de l’amaigrissement et une baisse de l’ingestion. En cas de contamination par Haemonchus, une anémie rapide et parfois fatale s’installe, un agneau parasité pouvant perdre plus d’un litre de sang en une semaine ! Pour l’éleveur, les critères d’alerte sont un affaiblissement, des muqueuses blanches, des œdèmes de l’auge voire des mortalités soudaines. Un traitement d’urgence s’impose alors.

L’immunité, un pilier de la gestion des strongles

Passé 18 mois, l’immunité s’installe et les ovins ingérant des larves vont les détruire ou les inhiber avant qu’elles ne deviennent excrétrices. Cette immunité varie en fonction des individus, de l’alimentation ou d’un stress. Ainsi, un relargage d’œufs de strongles par les brebis est observé autour de la mise-bas. Cette période est donc à risque pour la contamination, d’autant plus que les agneaux vont pâturer peu de temps après. On observe également des moutons génétiquement plus sensibles aux strongles, qualifiés de « super-excréteurs ». Leur identification et l’élimination de leur descendance est une piste à creuser dans la sélection des agnelles de renouvellement, y compris par la sélection des béliers. Les brebis issues d’un père résistant excrètent en moyenne deux à trois fois moins d’œufs dans les fèces que les filles d’un bélier sensible.

La coproscopie de mélange, un outil simple et peu onéreux

La coproscopie de mélange permet d’évaluer à moindre coût l’intensité du parasitisme par les strongles gastro-intestinaux (cf. encadré). Si le comptage d’œufs par gramme de fèces (OPG) est un reflet imparfait du nombre de vers présents chez l’animal prélevé, il est un très bon indicateur de son effet « contaminateur » pour le pâturage. L’OPG reste pertinent tout au long de la vie chez les ovins et caprins, contrairement aux bovins. En fonction du résultat obtenu et des signes cliniques ou zootechniques observés, l’éleveur et son vétérinaire évaluent si un traitement est nécessaire ou pas, et s’il doit concerner tout le lot ou les seuls animaux cliniques. Cela permet de diminuer les traitements, donc limiter la pression de sélection sur ces parasites et la diffusion de la résistance.

 

 

Varier les familles de molécules de traitement

Si les marques de produits anthelmintiques sont nombreuses, il n’y a en fait que trois familles principales, les benzimidazoles, les avermectines et les milbémycines. Lorsqu’une résistance apparait pour une molécule, ce sont toutes les molécules de la famille qui sont devenues résistantes. Si ce phénomène reste marginal en élevage bovin, c’est une réalité déjà bien implantée en Creuse en élevage ovin. Les résistances observées concernent tous les strongles et toutes les familles de molécules. Une coproscopie de contrôle, effectuée 15 jours après traitement, permet de mesurer l’apparition de ces résistances. Il faut impérativement varier les traitements anthelmintiques, en introduisant dans les protocoles des molécules d’autres familles, comme le monépantel, le lévamisole, le closantel ou le nitroxynil.

Une gestion des pâtures à maîtriser…

Empêcher les animaux d’excréter trop d’œufs dans les pâtures est le principal objectif. Pour cela, on évitera le surpâturage ou des chargements trop importants et on réalisera des traitements ciblés sur les animaux à risque, comme les brebis autour de l’agnelage ou les agneaux présentant une infestation. En revanche, on traitera le moins possible les animaux résistants, à savoir les adultes ne présentant pas de signes cliniques. Cela permet de stimuler l’immunité de prémunition du troupeau et de limiter l’apparition de résistance par relargage dans l’environnement de strongles non-exposés aux anthelmintiques, appelée « population refuge ». Enfin, on limitera le temps de séjour sur les parcelles, afin de casser les cycles parasitaires. Une rotation de pâture tous les 5 à 7 jours et l’absence de retour sur une parcelle pâturée avant 6 semaines permet d’assainir les terrains.

… et des solutions alternatives dont l’efficacité reste à évaluer

Chaque nouvelle solution proposée demande une comparaison coproscopique avant-après traitement. Des solutions phyto-thérapeutiques sont proposées… mais encore très majoritairement non-évaluées ! Les études sur la consommation de plantes à tannins (sainfoin, chicorée) s’avèrent décevantes. Le pâturage commun ou alterné avec d’autres espèces comme les chevaux ou les bovins permet en revanche une réduction de la contamination des parcelles par ingestion des larves qui seront détruites.

 

Traiter mieux, traiter moins

Il est important de bien gérer l’arsenal thérapeutique existant en appliquant des règles de bonnes pratiques de traitement selon la formule « traiter mieux, traiter moins ». A tout point de vue, le plan antiparasitaire demande une gestion rationnelle adaptée à son élevage. Cela passe par l’utilisation des outils disponibles et leur intégration raisonnée, impliquant les éléments d’observation clinique et de suivi des cycles de pâturage. Chaque éleveur peut appliquer ce schéma en collaboration avec le vétérinaire en charge du suivi de son troupeau, et nous restons à disposition pour tout complément d’information.

Dr Boris BOUBET – Marien BATAILLE
GDS Creuse

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