Le maillage vétérinaire en territoires ruraux
Une problématique complexe et multifactorielle avec un enjeu sanitaire
Maillage vétérinaire : Comme tous les ans, notre article de début d’année s’intéresse à un sujet de portée générale touchant à l’élevage. Longtemps associée à la médecine humaine, la notion de « désert médical » commence à devenir problématique pour la profession vétérinaire. Si la Creuse est encore globalement épargnée, la situation de certaines zones et la démographie vétérinaire sont source d’inquiétude.
La problématique de la disponibilité médicale en zone rurale n’est pas nouvelle mais elle tend à se développer pour les soins aux animaux de rente. Entre 2016 et 2020, le nombre de vétérinaires déclarant une activité « animal de rente » a baissé de 18 %. Les causes en sont multiples et depuis 2016, les Organisations Professionnelles Vétérinaires (OPV) tentent de trouver des solutions.
Des causes sociétales, …
Lorsque l’on interroge de jeunes confrères, les conditions d’exercice auprès des animaux de rente apparaissent difficiles en raison du travail souvent extérieur, soumis aux intempéries, aux heures passées sur les routes pour visiter les élevages et aux horaires chronophages liés aux urgences et aux gardes. Ce problème d’astreinte n’est d’ailleurs pas uniquement rural puisque les mêmes difficultés de recrutement sont rencontrées par les cabinets canins avec gardes. Or les attentes ont changé, beaucoup de jeunes vétérinaires, comme le reste de la société, privilégient une activité professionnelle laissant du temps personnel. Le monde rural souffre de handicaps supplémentaires : difficulté pour le conjoint à trouver un travail à proximité, tissu administratif et de services qui disparait peu à peu, offre culturelle limitée…
… une urbanisation et une féminisation de la profession, …
Le jeune vétérinaire est dans sa très grande majorité une femme issue d’un milieu urbain, que la campagne n’attire pas spontanément. La médecine rurale souffre également d’a priori sur la nécessité d’une certaine force physique, très largement surestimée mais qui freine encore les jeunes femmes au moment de leur orientation professionnelle. Les choses changent progressivement et 40 % des vétérinaires de moins de 40 ans déclarant une activité rurale sont des femmes.
… une dynamique de l’élevage peu propice aux installations, …
La situation financière de l’élevage bovin, et principalement allaitant, n’ajoute rien au dynamisme de la médecine rurale. Quand la médecine canine garantit des croissances annuelles à deux chiffres, l’activité animaux de rente stagne quand elle ne régresse pas. En Creuse, le nombre de bovins est passé de 442.000 en 2016 à 422.000 en 2020 et l’évolution semble inexorable si rien n’est fait pour l’enrayer. Dans le même temps, les structures d’élevage se sont agrandies et les éleveurs ont acquis de l’autonomie pour les soins de base. Le nombre de visites baisse régulièrement et il reste essentiellement la gestion des cas graves ou urgents.
… une évolution des structures vers la pratique canine, …
Avec l’augmentation de la taille des cliniques liée principalement à l’activité canine, y compris à la campagne, une spécialisation des vétérinaires s’installe progressivement. La gestion des tours de garde pose alors problème et quand l’activité rurale devient minoritaire, la tentation est grande de l’arrêter. C’est une problématique majeure dans les zones où l’élevage est en déclin et qui conduit à de véritables déserts médicaux où il sera compliqué de faire marche arrière.
… une logique d’intégration à des chaînes source d’inquiétude
Depuis quelques années, les vétérinaires se regroupaient au sein de structures d’entente pour assurer une meilleure rentabilité de leurs cliniques. Le rachat des cabinets par de grandes chaînes vient rebattre les cartes. Intéressées par les performances économiques des structures vétérinaires, elles investissent progressivement tout le territoire national, visant une certaine massification. Mais leur objectif est de dégager de la rentabilité rapide et lorsqu’elles effectuent une comptabilité analytique de la situation, couplée à la difficulté de recrutement de praticiens ruraux, elles peuvent décider de mettre fin à l’activité animaux de rente pour se concentrer sur les animaux de compagnie. Plusieurs exemples récents, en Ardèche notamment, viennent confirmer cette crainte avec des éleveurs qui ont reçu du jour au lendemain l’annonce de l’arrêt de l’activité rurale au sein de la clinique.
Quelles solutions pour contrer ce déclin ?
Le constat étant partagé, tous les intervenants (OPV, Etat, organisations professionnelles agricoles) réfléchissent aux mesures à mettre en place pour enrayer cette désertification.
Important!
Une nouvelle législation visant à favoriser l’installation de vétérinaires en zone rurale
Deux décrets d’application concernant le dispositif de lutte contre les déserts vétérinaires institué par la loi DDADUE (Diverses Dispositions d’Adaptation au Droit de l’Union Européenne) ont été publiés au Journal Officiel du 13 mai 2021. Cela ouvre la possibilité d’attribuer des aides régionales « aux vétérinaires contribuant à la protection de la santé publique et assurant la continuité et la permanence des soins aux animaux d’élevage ».
Ces aides peuvent consister à verser une prime d’exercice forfaitaire, une prime d’installation, la mise à disposition de locaux professionnels, la prise en charge de tout ou partie de frais d’investissement ou de fonctionnement.
Pour les étudiants vétérinaires, les aides peuvent prendre la forme d’une indemnité de logement durant les stages ou de déplacement ou d’étude et de projet professionnel ainsi que de prise en charge des droits de scolarité. En contrepartie, l’étudiant s’engage à exercer dans les zones sous-denses pendant au moins cinq années consécutives.
Nous sommes dans l’attente de la publication des arrêtés nécessaires à un déploiement opérationnel et rapide des aides prévues.
Une diversification des profils
Si l’attractivité du métier semble problématique pour les vétérinaires issus des écoles françaises aujourd’hui, plusieurs solutions sont proposées. La première est l’arrivée sur nos territoires de confrères formés à l’étranger, avec un profil sociologique plus rural et qui se plaisent à exercer le métier dans nos campagnes. Au niveau français, l’accès aux écoles vétérinaire peut désormais se faire en post-bac, sur présentation de dossiers. Cela peut permettre d’identifier des profils intéressants que la perspective de partir en classe préparatoire aurait rebuté. Une autre piste évoquée est la création d’une cinquième et même d’une sixième école vétérinaire pour augmenter le nombre de candidats potentiels. Il n’est en revanche pas garanti que cela résolve le problème si le recrutement se fait sur les mêmes bases sociologiques qu’aujourd’hui.
Le développement du salariat ou de la collaboration libérale
Le modèle historique du vétérinaire s’installant seul dans son village et y passant toute sa carrière est déjà derrière nous. Les structures grossissent et ont de plus en plus recours au salariat ou à la collaboration libérale. Cela correspond aux aspirations de mobilité et de liberté des nouvelles générations. Pour les éleveurs, cela implique aussi d’intégrer l’idée d’avoir régulièrement de nouveaux interlocuteurs.
Un enjeu sanitaire pour la filière élevage française
Au-delà du soin porté aux animaux, le vétérinaire est également le garant de la bonne santé sanitaire du cheptel et de la sécurité sanitaire des aliments. Le modèle construit dans les années 50 et visant à l’éradication des « grandes maladies » (brucellose, tuberculose…) touche globalement à sa fin. La surveillance en élevage a déjà changé, avec la création des visites sanitaires, et pourrait encore évoluer. L’objectif des OPV est une reconnaissance de la veille sanitaire et des discussions sont en cours. La demande serait d’aller vers une contractualisation éleveurs – vétérinaires, avec une participation de l’Etat, afin de garantir une rémunération sanitaire de base en complément des actes liés au mandat sanitaire.
GDS Creuse et les vétérinaires creusois, un partenariat historique à faire perdurer
Depuis la création de GDS Creuse en 1953, éleveurs et vétérinaires ont eu la conscience de la nécessité de travailler ensemble. Cela perdure aujourd’hui avec des échanges nourris et constructifs. La fragilisation du maillage vétérinaire est une inquiétude partagée et nous restons attentifs aux développements de ce dossier. Les pistes financières, pour intéressantes qu’elles soient, risquent de ne pas résoudre le problème. La solution passe plus certainement par la découverte du métier de vétérinaire rural dès le début de la scolarité, une nouvelle organisation de la permanence des soins au sein des cabinets et une évolution vers une gestion sanitaire globale des élevages qui valorise la formation initiale et diversifie l’activité, pour un bénéfice mutuel. Nous proposons de nombreux outils pour faciliter cette évolution, pour plus de renseignements, n’hésitez pas à nous contacter.