Les causes de l’infécondité en élevage allaitant (2/3) – 29 mai 2024

Les causes de l’infécondité en élevage allaitant

Quelques maladies mais surtout de la gestion du troupeau

Infécondité en élevage allaitant (2/3) : Lors de troubles de la reproduction, une phase d’identification des causes est nécessaire. Les maladies infectieuses sont souvent mises en avant mais la conduite de troupeau reste la principale variable d’amélioration.

L’infécondité en élevage allaitant constitue une source de pertes économiques conséquente d’où la nécessité de la réalisation d’un bilan annuel de reproduction et son analyse (cf. article du 22/05/2024). Trois causes principales risquent d’entraîner une mauvaise fécondité du troupeau : l’infertilité des mâles, l’infertilité des femelles ou des vaches fertiles mais avec un problème de conduite de troupeau (retard à la mise à la reproduction, mauvaise observation des chaleurs dans le cas d’insémination artificielle…) ou des problématiques d’avortements.

Une fertilité des mâles à surveiller de manière étroite

Plusieurs facteurs peuvent altérer la fécondité des mâles. En tout premier, leur état général. Un taureau devrait avoir une Note d’État Corporel (NEC) autour de 3 (graduation de 0 à 5). Des blessures peuvent entrainer une incapacité à effectuer le saut : lombalgies, boiteries, lésions articulaires, lésions du pénis ou du fourreau. L’infertilité peut être consécutive à un manque de libido lié à une puberté tardive ou à une météo défavorable, que ce soit une pluviométrie importante comme en ce moment, des températures très froides ou une canicule. Un nombre de femelles supérieur à 25/30 par taureau, surtout s’il est jeune, est également un facteur d’infécondité par absence de saillie ou par diminution de la qualité du sperme. Toute pathologie qui se traduit par une hyperthermie importante (FCO, MHE notamment) entraine un risque de stérilité pendant au moins 6 semaines. Des agents infectieux spécifiques (vibriose, IBR, trichomonose) peuvent entrainer de l’infertilité mais ils sont rares dans la pratique quotidienne. Tous ces points demandent une attention particulière accordée à la surveillance de la fertilité des mâles. En cas de retour en chaleur de plusieurs vaches dans un lot donné, l’éleveur sollicitera un examen du taureau, notamment l’examen visuel et la palpation du scrotum, qui pourra être complété par un prélèvement de semence pour examen microscopique.

L’observation du taureau concerne l’état général (note état, appareil locomoteur, « masculinité »), le comportement sexuel (évaluation libido), l’examen de l’appareil génital et, en dernière étape, l’examen du sperme.

Sur les femelles, un fort impact de l’alimentation

Les insuffisances ou déséquilibres nutritionnels ont des répercussions directes sur le fonctionnement de l’appareil sexuel mais également des effets indirects par le biais des conditions de vêlage. L’appareil sexuel est très sensible à un déficit énergétique marqué. Une sous-alimentation énergétique modérée n’a pas d’effet notable sur la reproduction si les animaux sont au départ en bon état, la perte de poids ne devant pas dépasser 8 à 9 % du poids initial. En revanche, aucune sous-alimentation n’est à tolérer pour les femelles en mauvais état et les génisses au 1er veau. Une NEC autour de 2,5 à n’importe quel stade physiologique est le meilleur atout d’une bonne fécondité ultérieure. À l’inverse, une suralimentation peut causer l’infertilité en favorisant des retards d’involution utérine. Il en est de même à la mise à l’herbe avec les excès d’azote soluble. Avec les fourrages conservés et en l’absence de complémentation, les déséquilibres sont la règle : déficits azoté, vitaminique (vitamine A) et minéraux (macroéléments, cas particulier du sel, oligoéléments). Ces carences sont susceptibles de favoriser des métrites et des troubles fonctionnels de l’appareil sexuel en général.

De possibles maladies infectieuses entrainant des lésions de l’appareil génital

Des pathologies comme la fièvre Q, la campylobactériose ou la vulvovaginite infectieuse pustuleuse (forme génitale de l’IBR) peuvent provoquer des lésions de l’appareil génital qui retardent ou empêchent la fécondation. Pour les métrites, on distingue des métrites puerpérales, apparaissant immédiatement après des vêlages difficiles, s’accompagnant de symptômes généraux graves (hyperthermie, inappétence, parfois péritonite) et des métrites chroniques, inflammations subaiguës de l’utérus. Elles sont tardives (4 semaines après le vêlage) et n’entraînent pas d’altération de l’état général. On observe des mucosités et quelques éléments purulents lorsqu’ils sont rejetés sur la vulve, mais qui peuvent être inapparents. Elles peuvent être des complications de rétentions placentaires mais on constate chez des vaches ayant bien délivré des endométrites consécutives aux autres problématiques pouvant être intervenues lors de la préparation, du déroulement ou de l’immédiat post-partum. 70 % des problèmes d’infécondité chez la vache sont dus à ces métrites subaiguës. Toute introduction du bras dans le vagin, même sur un vêlage facile, multiplie par deux le risque de métrites chroniques.

Une note d’état autour de 2,5, une luminosité suffisante, de la stabulation libre, la présence du taureau… constituent autant d’éléments favorables à la reprise de la cyclicité chez la vache après le vêlage. Une observation stricte de ses vaches du vêlage à deux mois après la saillie ou l’insémination s’avère cruciale pour une bonne gestion de la reproduction de son troupeau.

Une mise à la reproduction rapide à assurer chez la génisse…

Le développement des primipares au moment du vêlage va influer sur le taux de dystocies et donc sur les mortalités néonatales et la vitalité du veau (anoxie, transfert immunitaire insuffisant…). Lors de croissance insuffisante, les cas d’infantilisme du bassin sont nombreux. L’âge au vêlage des génisses est le plus souvent de 36 mois en élevage allaitant. Il peut être ramené à 30 mois (notamment pour les élevages avec 2 périodes de vêlage, printemps – automne) voire 24 mois. Il est parfois observé plus tardif (4 ans) même si cette pratique tend à disparaitre. Quel que soit l’âge, un vêlage facile nécessite un poids au vêlage suffisant. L’objectif général est d’avoir des génisses dont le poids vif à la saillie sera d’au moins 70 % du poids adulte. L’analyse des vêlages des primipares est un critère primordial. Seront appréciés l’âge moyen au 1er vêlage, l’étalement des vêlages (pour un lot de génisses mis à la reproduction, 60 % des mises-bas doivent se réaliser sur 1 mois, 90 % sur deux mois) et les difficultés au vêlage en comparaison des multipares.

… comme chez la vache

Chez les multipares, pour que l’IVV d’un an soit respecté, la vache doit être fécondée dans les trois mois qui suivent son vêlage. Or, la vache allaitante se caractérise par un anœstrus physiologique long (de l’ordre de 8 semaines) dû à l’allaitement du veau. Une attention particulière sera portée sur l’IVV 1er – 2e vêlage : plus de 60 % des femelles ont un intervalle de plus de 380 jours entre les deux premiers vêlages. La présence du mâle dans le lot de femelles stimule l’activité hypothalamo-hypophysaire. Un plus grand nombre de vaches cyclées est observé si le taureau est présent dans le troupeau. La stabulation libre favorise l’exercice physique et a donc un effet favorable sur la reproduction. De bonnes conditions d’éclairement ont un effet bénéfique sur l’activité ovarienne et la synthèse de vitamine D (20 % de surface couverte avec un matériau translucide).

Des mortalités embryonnaires couramment rencontrées…

Les mortalités embryonnaires se produisent chez environ 10 % des vaches ayant été fécondées, elles présentent alors des retours en chaleur 30 à 50 jours plus tard. Les mortalités précoces (avant le 16e jour) frappent environ 20 % des embryons. Les causes sont mal connues mais certainement multiples : hyperthermie liée à une pathologie, passage de BVD, élimination d’un grand nombre d’anomalies génétiques. Dans le cas de mortalité embryonnaire précoce, les retours en chaleurs sont réguliers. La relative banalité du phénomène explique que, quel que soit le mode de fécondation, la réussite à la première mise à la reproduction doit être considérée comme bonne entre 60 et 70 %.

… et des avortements qui doivent être rares

En moyenne, 2 % des vaches allaitantes avortent après le 2e mois de gestation. Avec des foins humides, des ensilages d’herbe mal conservés, des concentrés fabriqués avec des tourteaux contaminés de moisissures, les intoxications par les mycotoxines ont des effets abortifs. L’utilisation de certains médicaments est contre-indiquée chez la vache en gestation, prostaglandines et corticoïdes en particulier. En fin de gestation, les avortements peuvent aussi être traumatiques. Des avortements en série peuvent être provoqués par des processus infectieux généraux (cf. article sur le kit de diagnostic avortements proposé par GDS Creuse). Pour rappel, tout avortement doit être réglementairement déclaré. Dans le prochain article, nous aborderons les mesures à mettre en place pour prévenir l’infécondité.

Dr Boris BOUBET
GDS Creuse

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